Marie et les protestants

Quelle est la place de Marie dans le dessein de Dieu ? Catholiques et protestants réfléchissent ensemble. Découvrez le Groupe des Dombes, association de théologiens catholiques et protestants.

Source site Croire / La Croix

Le Groupe des Dombes, association de théologiens catholiques et protestants, s’est attelé à partir de 1991 à la recherche d’un accord catholique-protestant sur «la vraie place de Marie dans le plan de Dieu». Son rapport final, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints (Bayard Éditions 1997 et 1998), invite catholiques et protestants à relire ensemble les Écritures pour y vérifier notre compréhension du rôle et de la place de Marie dans l’histoire du salut. Au sujet de Marie, c’est la défense de la grâce qui préoccupe les protestants : ils contestent la doctrine mariale au nom de l’Écriture seule, du Christ seul, de la grâce seule…

Une réticence tardive

Chacun sait, note le pasteur Albert Greiner, les réserves, les réticences, l’attitude critique des chrétiens protestants à l’égard de beaucoup d’affirmations et de pratiques catholiques et orthodoxes concernant la Vierge Marie. Ce que l’on sait moins, c’est le caractère relativement tardif de ces réactions, dont les plus polémiques remontent seulement au XVIIIe et même au XIXe siècle, où elles sont nées en réponse au développement et au durcissement de la mariologie catholique.

« Les réformateurs ne rejetaient pas Marie. Celle-ci, »trésorière de grâce« selon Calvin, a gardé la doctrine qui nous ouvre aujourd’hui le Royaume des cieux : »Elle a gardé cela comme un dépôt, et par son moyen nous l’avons reçu. Voilà l’honneur que Dieu lui a fait. Voilà en quelle sorte il nous faut regarder à elle : non pour nous y arrêter, ni pour en faire une idole, mais afin que, par son moyen, nous soyons conduits à Notre Seigneur Jésus-Christ, car c’est là aussi qu’elle nous renvoie. » 

La Santissima Anunziata

Pas de mariologie pour les Églises de la Réforme

Dans les Églises de la Réforme, il n’y a pas de mariologie, pas de dévotion mariale : ni culte ni prière à Marie. L’allergie à la doctrine mariale catholique reste vivace. Un catéchisme dit, par exemple : «L’Église évangélique (NDLR : c’est-à-dire protestante) croit tout ce qui est écrit au sujet de Marie dans la Bible, c’est-à-dire que nous ne croyons ni à son Immaculée Conception (sa naissance miraculeuse d’une mère légendaire, Anne), ni à son Assomption, c’est-à-dire à sa montée corporelle au ciel, ni à sa participation à l’œuvre du salut, dont la Bible ne parle pas». 

Tout comme Calvin, les réformés s’interdisent de donner à Marie une autre place que la sienne. Selon le pasteur André Dumas, «au nom de leur fidélité au témoignage apostolique, comme au nom du respect et de l’affection qu’elles portent à la Mère du Seigneur, nos Églises s’élèvent avec force contre toute tentative d’exalter Marie, d’établir un parallélisme entre elle et le Christ, comme aussi entre elle et l’Église, en lui conférant des titres qui, à leurs yeux, la défigurent plus qu’ils n’attestent son vrai visage.»

Œcuménisme

Les catholiques ont longtemps alimenté leur hostilité au protestantisme à la conviction que «les protestants ne croient pas à la Sainte Vierge». Mais l’antagonisme au sujet de Marie cède heureusement le pas à l’approche œcuménique. On s’efforce de comprendre les raisons de l’autre. Les catholiques sont plus attentifs à ne pas faire de Marie une sorte de rivale du Christ, à ne pas enfermer le Seigneur dans le rôle du juge auquel on n’échappe que grâce à l’intercession de sa Mère. Marie, comblée de grâce, oui. Mais le chrétien n’est-il pas comblé, lui aussi, de la grâce du Christ ? Marie «médiatrice de toute grâce» mais pas au même plan que Jésus, «le seul Médiateur entre Dieu et les hommes» (1 Timothée 2,5).

Le protestantisme, de son côté, connaît un printemps de la réflexion sur Marie. La Mère du Seigneur y est resituée dans le mystère du salut à sa place d’humble servante et d’admirable témoin de la foi, au premier rang des créatures rachetées. Cela s’appuie sur une piété nourrie de l’Évangile, qui reprend en compte la foi même de Marie, toute de louange, la foi du Magnificat. En Marie, le chrétien découvre que Dieu jette son regard sur les petits, et donc sur lui aussi. La Vierge, écrivait Luther, n’a pas chanté le Magnificat «seulement pour elle, mais pour nous tous, afin de nous entraîner à le chanter à sa suite».