16 – KIBEHO, 1981

Rwanda Du 28 Novembre 1981 au 28 Novembre 1989 Notre Dame de Kibeho

I – Généralités

Pays de l’apparition

Rwanda

Site 

Kibeho est une localité du sud du Rwanda qui a été le lieu d’Apparitions mariales de 1981 à 1989. La Vierge y apparaît à des pensionnaires du collège. 

Kibeho, Rwanda

Désignation  

Notre-Dame de Kibeho ou Notre Dame des douleurs est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu’elle serait apparue à trois jeunes filles à Kibeho, petit village du sud du Rwanda, du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989

Contexte historique

En septembre 1961, un référendum est organisé ; le parti politique hutu Parmehutu, obtient 78 % des sièges à l’Assemblée nationale du Rwanda. Le 26 octobreGrégoire Kayibanda devient président de la République du Rwanda. En décembre 1963, les Tutsi exilés essayent de revenir sur le territoire rwandais par la force : ils échouent. De nouveaux massacres sont commis contre les Tutsi vivant au Rwanda.

Jusqu’en 1967, environ 20 000 Tutsis sont tués et 300 000 autres prennent le chemin de l’exil. Environ 600 000 Rwandais (Tutsis ou opposants Hutus) vivent en exil à la fin des années 1980. L’Armée patriotique rwandaise, branche armée du FPR, lance une attaque depuis l’Ouganda sur le nord du Rwanda le 1er octobre 1990, bénéficiant d’un large appui de l’armée ougandaise. La tentative d’invasion du FPR échoue, les forces armées rwandaises réussissant à contenir l’offensive avec l’appui des forces françaises, belges et zaïroises, et une répression massive fait suite à son attaque.

Environ 10 000 personnes sont arrêtées, Tutsis ou opposants au régime. La France conditionne la poursuite de son appui militaire à la démocratisation du pays. La signature en janvier 1993 d’un protocole dans le cadre des accords d’Arusha prévoit la formation d’un gouvernement à base élargie, mais la répartition des portefeuilles est définie a priori et non à partir d’élections. Le FPR se voit accorder cinq postes ministériels. Cette disposition suscite la colère des partisans du MRDN ; ces manifestations se transformèrent rapidement en émeutes et les prétendants manifestants se mirent à tuer les Tutsis et des membres des partis d’opposition. Il y eut environ 400 morts et 20 000 personnes déplacées. »

Ces massacres servent de prétexte au FPR pour suspendre les négociations. Il rompt le cesser-le-feu le 8 février 1993 et lance une offensive qui fait 40 000 morts et provoque le déplacement d’un million de personnes. Les accords d’Arusha sont signés en août 1993, mais les deux forces principales sont le FPR et le front du refus conduit par le MRND. Les autres partis sont affaiblis par leur division. L’armée française se retire fin 1993, conformément aux négociations d’Arusha, pour laisser l’ONU déployer au Rwanda une mission de paix, la MINUAR.

Le 6 avril 1994, l’avion du président Habyarimana est abattu alors qu’il s’apprêtait à atterrir à Kigali. Les membres modérés du gouvernement, dont la première ministre Agathe Uwilingiyimana, ainsi que des opposants, sont assassinés par la garde présidentielle dès le lendemain et un gouvernement intérimaire est mis en place, avec Jean Kambanda pour premier ministre. Le génocide, dirigé par ce gouvernement, dure jusqu’au 4 juillet 1994. Il fait 800 000 morts selon l’ONU et plus d’un million selon les autorités rwandaises.Le 4 juillet 1994, le FPR prend la capitale, Kigali, et constitue le 19 juillet un gouvernement sur la base des accords d’Arusha, première étape de la reconstruction de l’État rwandais. Une période de transition politique est décrétée. Les Églises sont très actives aussi dans ces projets. Le pape se rend au Rwanda très catholique en septembre 1990. Les Apparitions se déroulent de 1981 à 1989, avant les évènements tragiques relatés ci avant.

Notre Dame des douleurs
Vocable sous lequel la Vierge s’est présentée à Kibeho
Par Haeferl — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=43053393

II – Les voyantes

Les trois jeunes filles
Voyantes de Kibeho

Alphonsine Mumureke

Elle est née le 21 mars 1965 à Cyizihira, dans la paroisse de Zaza, dans le diocèse de Kibungo, fille de Thaddée Gakwaya et de Marie Immaculée Mukarasana. Elle a été baptisée le 27 juillet 1977 à l’âge de 12 ans. Peu avant les apparitions, elle a été admise au collège de Kibeho, en octobre 1981, afin de poursuivre ses études après l’école primaire. La première apparition d’Alphonsine a eu lieu le 28 novembre 1981, pour se terminer exactement huit ans plus tard, le 28 novembre 1989. 

La Vierge apparut à Kibeho pour la première fois à Alphonsine Mumureke, une étudiante qui à l’époque avait 16 ans. Au début, Alphonsine fait l’objet de méfiance et de railleries de la part de ses camarades, mais ensuite des personnes étrangères à l’école s’intéressent à son cas.  Elle a terminé ses études secondaires à l’école humaniste de Kibeho en juillet 1989, avec un diplôme de niveau A2.

Interrogée sur ses projets futurs au moment des apparitions, Alphonsine exprimait son souhait de rejoindre la congrégation religieuse des Sœurs Benebikira. Cependant, les supérieurs de cette congrégation ont hésité à l’accepter puisque la question de l’authenticité des apparitions n’avait pas encore été clarifiée par les autorités de l’église. À la fin de ses études à Kibeho, Alphonsine fut immédiatement employée par le diocèse de Butare comme secrétaire et sténotypiste au Centre de service diocésain pour l’éducation catholique, alors partie de la préfecture de Gikongoro.

Alphonsine a conservé son emploi jusqu’en 1994 où elle a été forcée de fuir pour survivre au terrible génocide au Rwanda, d’abord au presbytère de la paroisse de Gikongoro puis à Bukavu ex-Zaïre, aujourd’hui République Démocratique du Congo, où elle s’est réfugiée chez des familles sympathiques, qui la connaissaient depuis Kibeho. Avec l’aide d’une famille ivoiro-congolaise (RD Congo) qu’elle avait également rencontrée lors des apparitions à Kibeho, elle a poursuivi son voyage jusqu’à Abidjan en Côte d’Ivoire, quelques semaines plus tard, et a pris contact avec le père Raymond Halter, un prêtre marial qui la connaissait depuis sa dernière apparition le 28 novembre 1989. Il est devenu son directeur spirituel et a pris soin d’elle pendant son séjour en Côte d’Ivoire jusqu’à sa mort en décembre 1998.

Alphonsine de La Croix glorieuse

A cette époque, le père Joseph Bezel, curé de France et cher ami du père Raymond Halter, a aidé Alphonsine à obtenir une bourse pour l’école de commerce de Castaing à Abidjan où elle a signé en vue d’un programme triennal de formation en secrétariat d’entreprise (de 1995-1996 à 1997-1998). Mais Alphonsine a quitté l’école de commerce pour rejoindre l’école catéchétique affiliée à l’université catholique d’Afrique de l’Ouest à Abidjan. Dans le même temps, elle était aspirante dans l’ordre de Sainte Claire.

Après son diplôme de théologie avec une spécialisation en catéchèse, en juin 2003, elle entre au monastère Sainte Claire à Abidjan (Clarisses). Elle a reçu l’habit religieux au début de son noviciat le 26 juillet 2004. Son père, Thaddée Gakwaya, a été assassiné en septembre 1984. Sa mère, Immaculée Mukarasana, est décédée quelques années après le génocide de 1994. Le 15 juillet 2006, Alphonsine Mumureke a reçu le nom d’«Alphonsine de la Croix Glorieuse».

Nathalie Mukamazimpaka

Le 12 janvier 1982 la Vierge apparaît à Nathalie Mukamazimpaka, une autre élève, âgée de 17 ans. Nathalie Mukamazimpaka, naquit en 1964 à Munini dans l’actuel district de Nyaruguru, paroisse de Muganza, diocèse de Gikongoro. Son père s’appelle Laurent Ngango ; et sa mère, Gaudence Mukabaziga. Elle reçut le baptême à l’âge de 4 ans, le 02/02/1968. Au moment des apparitions, elle était inscrite au collège de Kibeho en 4ème année de la section normale primaire. Nathalie est connue surtout pour le message sur la souffrance expiatoire et sur la prière incessante pour un monde qui va très mal et risque de tomber dans un gouffre.

La dernière apparition eut lieu le 3 décembre 1983. Nathalie n’a pas achevé ses études secondaires, alors qu’au début des apparitions il ne lui restait qu’une année pour pouvoir obtenir un diplôme du niveau D5, l’habilitant à exercer la profession d’enseignante d’école primaire. En effet, suivant le message de l’apparition du 24 juin 1982, la Vierge Marie aurait demandé à Nathalie de demeurer à Kibeho jusqu’à nouvel ordre pour s’adonner davantage à la prière et aux mortifications pour le salut du monde.

Le séjour permanent de Nathalie à Kibeho, à l’ombre du lieu des apparitions, a débuté en juillet 1982. Elle le justifie en faisant appel à des messages personnels attribués à la Sainte Vierge, surnommée « Umubyeyi » (Maman). Cette situation a été souvent objet de controverse au niveau même des commissions d’étude, comme chez des observateurs de passage. A maintes reprises, la voyante eut à répondre à toute sorte de questions, de fond ou de curiosité, parfois très agaçantes, voire indiscrètes pour elle. Des recherches ont été menées dans son milieu familial et sa région natale. Des rapports spécifiques ou des témoignages à ce sujet existent. En fin de compte, aucun consensus n’a pu se dégager de tout cela dans un sens défavorable à la position de la voyante.

Au contraire ! Les Ordinaires du lieu successifs n’y ont vu aucun problème majeur, tout en souhaitant cependant que son cas puisse, un jour ou l’autre, connaître des ouvertures à de nouveaux horizons. Quoi qu’il en soit, l’appel au sacrifice expiatoire étant une des lignes maîtresses des apparitions de Kibeho, Nathalie s’est toujours efforcée de vivre ce message de son mieux. Au moment de la guerre civile et du génocide de 1994, elle a toujours résidé à Kibeho. Elle a été témoin des actes de massacre et de génocide perpétrés là-bas contre des innocents. Elle n’a sans doute pas manqué de faire avec douleur une relecture du message des apparitions, notamment celle du 15 août 1982, en essayant d’établir un lien avec la tragédie qui s’abattait sur tout le pays, jusque dans les pays voisins.

Début juillet 1994, Nathalie, à la demande de son Evêque, dut quitter Kibeho en catastrophe à la recherche d’une plus grande sécurité. Elle se replia momentanément sur l’évêché de Gikongoro. De là, elle poursuivit sa route avec beaucoup d’autres réfugiés désemparés – y compris des prêtres, des religieux et des religieuses, toutes ethnies confondues – jusqu’à Bukavu dans l’ex-Zaïre. Durant plusieurs mois, elle a pu être hébergée au monastère des Trappistines de l’abbaye Notre-Dame de la Clarté Dieu situé non loin de la ville de Bukavu. Dans la suite, elle fut l’hôte d’une communauté de Sœurs Filles de Marie Reine des Apôtres, jusqu’en mai 1996. C’est de là qu’elle fut évacuée d’urgence sur Nairobi pour soins médicaux. Elle a pu regagner le Rwanda début décembre 1996.

Par bonheur, les Sœurs Benebikira venaient de retourner à Kibeho pour rouvrir leur couvent, l’école secondaire et le Centre de Santé. Nathalie en fut bien encouragée pour regagner sa demeure après deux ans d’absence. Depuis lors, elle continue à se dépenser généreusement pour le sanctuaire marial et s’associe volontiers à la prière des pèlerins. Bien souvent c’est elle qui accueille des pèlerins individuels pour les assister le cas échéant, ou bien pour les orienter vers le chapelain. Des membres de sa famille résidant à une dizaine de kilomètres de Kibeho, et des chrétiens de sa paroisse natale (Muganza) viennent de temps en temps pour lui rendre visite. Son papa, Laurent Ngango, est encore en vie ; quant à sa maman, Gaudence Mukabaziga, elle est morte d’une crise de paludisme le 17/10/1998.

Marie Claire Mukangango

Marie Claire naquit en 1961 à Rusekera, dans l’actuel district de Nyamagabe, paroisse de Mushubi, diocèse de Gikongoro. Son père s’appelait Basera, et sa mère Véronique Nyiratuza ; elle reçut le baptême à l’âge de 5 ans, le 12/08/1966. Au moment des apparitions, elle étudiait au collège de Kibeho, en 4ème année de la section normale primaire. Comme voyante, elle est connue surtout pour le message au sujet du Chapelet des Sept Douleurs de la Vierge Marie, allant de pair avec un urgent appel au repentir : «Repentez-vous, repentez-vous, repentez-vous ! » disait la Vierge au monde par la bouche de Marie Claire.

Marie Claire Mukangango

Sa première apparition eut lieu mardi le 2 mars 1982 ; et la dernière, le 15 septembre 1982. Elles n’ont donc duré que 6 mois et 15 jours. Elle termina avec succès ses études secondaires au collège de Kibeho en juillet 1983, couronnées par un diplôme du niveau A3, l’habilitant à exercer la profession d’enseignante d’école primaire. De fait elle l’exerça d’abord dans sa paroisse natale de Mushubi à partir de septembre 1983, ensuite à Kigali à partir de septembre 1987.

Marie Claire Mukangango se maria religieusement le 22 août 1987 avec Elie Ntabadahiga, de la même paroisse natale. Ce dernier était un universitaire, journaliste à l’Orinfor (Office Rwandais d’Information). A la veille du génocide de 1994, il était déjà affecté aux services de la Primature. Les deux formaient un ménage heureux, mais malheureusement resté sans enfant, malgré leur vif désir d’en avoir. Ils résidaient à Kigali, dans le quartier de Gatsata, traversé par la route menant à Byumba. C’est dans ce quartier populaire qu’ils ont été surpris par le génocide de 1994.

Conduits avec bien d’autres déplacés de guerre vers Byumba, censée être une zone sécurisée, ils furent du nombre de bien des civils sans arme massacrés là-bas. La date et les circonstances exactes de leur mort ne sont pas encore bien établies. Des témoins disent que Marie Claire a été tuée en voulant défendre ou retrouver son mari ; elle a été enlevée et conduite avec d’autres victimes vers une destination inconnue.

III – L’Apparition (généralités) 

Dates

La première apparition d’Alphonsine a eu lieu le 28 novembre 1981 pour se terminer exactement huit ans plus tard, le 28 novembre 1989. 

Le 12 janvier 1982 la Vierge apparaît à Nathalie Mukamazimpaka, une autre élève, âgée de 17 ans et la dernière, le 3 décembre 1983 ( soit pendant 23 mois)  

L’apparition la plus surprenante est celle du 2 mars 1982. Ce jour-là en effet, la Madone se manifeste à Marie Claire Mukangango (âgée, à l’époque, de 21 ans), l’une des élèves les plus sceptiques. Sa dernière apparition eut lieu le 15 septembre 1982. Elle n’aura donc duré que 6 mois et 15 jours.

Nombre et durée des apparitions

C’est Alphonsine Mumureke qui bénéficia, et de loin, des plus longues apparitions. Au total, ses apparitions durèrent exactement 8 ans, du 28 Novembre 1981 au 28 Novembre 1989. Chaque apparition durait 3 à 4 heures. La voyante n’en souffrait pas; bien qu’elle tombe lourdement par terre, ou qu’elle soit longtemps exposée au soleil, les yeux fixés au ciel. Elles se déroulaient sous forme de dialogue : écoute du message, demande de précision sur le message donné. Des précisions sur le message suscitaient d’autres interrogations de la part du voyant. L’assistance était très attentive au dialogue. Durant ces années de 1982-1983, il y eut de ces longues apparitions chaque semaine, sans parler de celles en privé, qui sont plus nombreuses.

Emplacement des apparitions

La première fois, Alphonsine Mumureke voit la Madone tandis qu’elle sert à table ses camarades au réfectoire du collège. Le jour suivant la Madone apparaît de nouveau à Alphonsine. En décembre le phénomène se répète presque tous les samedis.

Ainsi, à partir du 16 janvier 1982, les apparitions se suivent, publiques dans la cour de l’école, et privées, réservées seulement à la voyante et aux élèves, dans le dortoir.

A cause des foules qui devenaient de plus en plus nombreuses, des problèmes de sécurité n’ont pas tardé à se poser. Malgré l’initiative de l’ORINFOR (Office Rwandais d’information), qui consistait à installer des haut-parleurs puissants sur les lieux d’apparition, afin que tout le monde puisse suivre sans problème la ‘conversation’ engagée entre les voyantes et le personnage invisible, des bousculades survenaient ici et là. C’est justement dans le but de résoudre ce problème et de faire régner plus de calme que certaines personnes bénévoles se sont organisées pour construire un podium dans la cour du collège, avec l’accord et même avec le concours de l’Evêque de Butare, Mgr Jean Baptiste Gahamanyi.

Entouré d’une clôture métallique, ce podium est entré en service à partir du 15 août 1982. Vu que ce podium était construit en bois, il a vieilli avec le temps et il a actuellement complètement disparu. Cependant au lieu même où il était placé se trouve aujourd’hui une statue de la Vierge de Kibeho entourée d’un champ de fleurs ; c’est un endroit pour le recueillement, avec quelques 100 places assises. C’est cet emplacement que nous appelons Place des Apparitions.

La place des Apparitions

Récit 

Notre-Dame de Kibeho, ou Notre Dame des douleurs, est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu’elle serait apparue à trois jeunes filles à Kibeho, petit village du sud du Rwanda, du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989

Dans la journée du 28 novembre 1981, autour de 12h 35, dans le réfectoire. une jeune élève du collège de Kibeho, Alphonsine Mumureke, prétend voir une Dame d’une beauté incomparable qui se serait présentée à elle comme la « Mère du Verbe ». Elle la reconnaît aussitôt comme la Vierge Marie. Ses compagnes racontent qu’elles l’ont vue se lever soudainement, se diriger dans l’allée centrale pour se mettre à genoux, les yeux dirigés quelque part, en un point fixe. Le phénomène va se reproduire à de nombreuses reprises, que ce soit en privé ou en public. La Dame lui aurait demander de prier avec sincérité et l’aurait invitée à pousser ses compagnes à se convertir et à redoubler de foi.

Les premières réactions ne se font pas attendre. Elles sont pour la plupart méfiantes, notamment de la part des professeurs du collège et des autres élèves. On dit d’Alphonsine qu’elle est folle, ou même en proie à de mauvais esprits, à de la sorcellerie. Surtout que sa région natale serait connue pour compter de nombreux adeptes de la magie noire. On cherche alors des preuves pour démontrer que tout cela n’est qu’une supercherie.

Au moment des extases, élèves comme professeurs ont le droit de procéder à tout type de tests sur Alphonsine pour la mettre à l’épreuve et ainsi vérifier si elle est vraiment dans un état extatique. Comme on considère Alphonsine comme une hystérique ou une possédée, nombreux sont ceux qui prendraient plus au sérieux ces apparitions si la Dame apparaissait à d’autres élèves. Alphonsine aurait donc prié la Dame de se manifester à d’autres pour que tout le monde croie.

Rapidement, deux autres élèves du collège assurent avoir vu la Dame. Il s’agit de Nathalie Mukamazimpaka, à partir du 12 janvier 1982, et de Marie Claire Mukangango à partir du 2 mars 1982. L’opinion publique change progressivement.

Nathalie est une jeune fille studieuse, discrète et pieuse, donc elle n’est pas folle et ne ferait certainement pas l’objet de possession. Quant à Marie Claire, c’est celle qui montait les autres élèves contre Alphonsine. C’est elle qui faisait courir des rumeurs de possession et de sorcellerie. Alors maintenant qu’elle aussi déclare voir la Dame, les professeurs sont consternés et les élèves du collège y croient de plus en plus. Même si les critiques et la méfiance restent vives, un groupe d’élèves et de professeurs assistent à des réunions avec les présumées voyantes où l’on récite le chapelet.

Bientôt, la nouvelle se répand en dehors du collège et du village. On vient de la région entière pour voir ses présumées voyantes mais surtout assister aux apparitions publiques. Les 31 mai et 15 août 1982, on compte environ 10 000 personnes venus assister aux présumées apparitions. Les jours d’apparitions publiques, il n’y avait pratiquement pas d’extases en groupe et les trois voyantes ne les vivaient pas en même temps.

Au contraire, elles avaient chacune des apparitions individuelles, pendant que les deux autres chantaient des cantiques à la Vierge. Elles se distinguaient aussi par une abondance de paroles, la longueur des extases, des chants, des prières d’intercession, des bénédictions (surtout au moyen de l’eau), des chutes répétées scandant une même apparition, à certains jours (à partir du 15 août 1982 jusqu’à la fin du carême 1983), et d’autres souffrances mortifiantes. 

La fin de l’extase se marquait généralement par une lourde chute. Les visions sont parfois accompagnées de « voyages mystiques ». En effet, Alphonsine comme Nathalie ont affirmé avoir voyagé avec la Vierge dans d’autres mondes dans des lieux similaires au purgatoire, à l’enfer ou au paradis. Ces « voyages mystiques » qui duraient de longues heures ont été suivis de près par une commission de médecins. Les apparitions de Kibeho vont continuer jusqu’au 28 novembre 1989, date à laquelle Alphonsine vivra sa dernière apparition publique. A partir de 1984, d’autres jeunes gens ont affirmé avoir des apparitions similaires aux trois jeunes filles mais elles n’ont pas été prises en compte par les autorités ecclésiastiques.

Le génocide rwandais 

Le 15 août 1982, les apparitions publiques des trois voyantes auraient été marquées par des visions effroyables. Alphonsine témoigne : « Alors que la Dame était en pleur, on vit alors un fleuve de sang, des personnes qui s’entretuent, des cadavres abandonnés sans sépulture, un arbre entièrement en feu, un gouffre béant, un monstre, des têtes décapitées ». Ces visions reviendront dans différentes apparitions, notamment à Nathalie. Pour l’Eglise catholique, se visions se sont avérées prophétiques au vu du génocide vécu au Rwanda en 1994. A Kibeho même, 11 000 personnes vont être massacrées, et pour la plupart dans l’église paroissiale. Marie Claire, la troisième présumée voyante, trouvera aussi la mort dans le génocide. En 1995, Mgr Augustin Misago rappelle la stupeur générée par le récit des voyantes : « Maintenant nous pouvons dire qu’il y a eu une prédiction du drame rwandais, mais je me souviens que le 15 août 1982, à la fête de l’Assomption, les voyantes au lieu de voir la Vierge pleine de joie, ont été témoins de terribles visions, effrayantes, de cadavres d’où jaillissaient d’abondants flots de sang, laissés sans sépultures sur les collines. Personne ne savait ce que signifiaient ces terribles images. Maintenant on peut relire les événements et penser qu’elles pouvaient être une vision de ce qui est arrivé au Rwanda mais aussi dans la région des Grands Lacs où le sang coule, au Burundi, en Ouganda, et dans la République Démocratique du Congo».

IV – Analyse de l’Apparition

Apparence de la Vierge

Alphonsine Mumureke décrit la Madone comme une femme d’une beauté incomparable, à la couleur de peau pas bien définie. Problème : après de multiples essais, aucune statue de la Sainte Vierge n’est « reconnue » comme étant un portrait fidèlede sa personne. Serait-ce-ce en raison d’un désaccord sur la couleur de peau de la Vierge ? 

Notre Dame de Kibeho

La statue de Notre Dame de Kibeho : un modèle insatisfaisant

Après quelques essais, l’équipe des artistes n’a malheureusement pas pu réaliser un modèle satisfaisant. Nathalie Mukamazimpaka, n’a pas caché sa déception et ses protestations. Une année plus tard, le 22 octobre 2002, un autre concours fut organisé. Après un long débat auquel la voyante Nathalie Mukamazimpakaa été associée, le jury choisit la meilleure statue parmi trois modèles présentés, à retravailler encore de façon sérieuse. Après un mois de travail, ils ont présenté un nouveau modèle de la Vierge de Kibeho.

De nouveau, le jury fit plusieurs remarques ; il fallait améliorer encore, notamment le symbolisme des fleurs. Le modèle fut présenté de nouveau au jury à Kibeho le 07 août 2003 pour approbation. Le jury présidé par l’Ordinaire du lieu, l’a adopté définitivement, malgré des imperfections qui persistaient visiblement. Le 28 novembre 2003, avait lieu la  bénédiction et l’intronisation de cette statue au Sanctuaire de Kibeho.

Attitudes de la Vierge

Les voyantes disent avoir été fort surprises de voir pleurer la vierge le 15 août 1982. La Mère du Verbe est fort affligée à cause de l’incrédulité et de l’impénitence des hommes. Elle se plaint de notre mauvaise conduite, caractérisée par une dissolution des mœurs, des dissensions, une complaisance dans le mal, une désobéissance continuelle aux commandements de Dieu.

Dans d’autres visions cependant, la Vierge apparaît souriante et invite les hommes à l’aimer comme une mère empressée auprès de ses enfants : «Il ne faut pas avoir peur de sa maman» dit Marie. Alphonsine explique qu’elle entendit une voix qui l’appelait avec tendresse en disant : « Mwana » (enfant). Alphonsine demande : « Qui es-tu femme ? » Et la Dame de répondre : « Je suis la mère du Verbe. »

Un dialogue s’engagea… La Dame demanda : « Dans ton existence, qu’est-ce que tu tiens le plus en estime ? » Alphonsine répondit à peu près ceci : « J’aime Dieu et sa mère qui a mis au monde un Rédempteur. » La Dame reprend : « Vraiment ! » Alphonsine dit :  « Oui, c’est bien ainsi ». La Dame déclare alors : « S’il en est ainsi, je viens te consoler, car j’ai exaucé tes prières. Je veux que tes compagnes aient la foi, car elles n’en ont pas suffisamment. »

Le 1er décembre, l’apparition a lieu un mardi soir, dans le dortoir, et la Vierge donne à Alphonsine un ruban blanc. Le 1er et le 2 décembre, la Dame promet à Alphonsine de lui donner une petite fleur dans trois mois que l’on ne pourra ni briser ni trouer. Il semble que « la fleur » corresponde à l’être humain, comme dans les séances de bénédictions (voir plus loin). Peut-être que le fait qu’elle ne puisse pas être trouée soit une consolation liée au fait que le 4 décembre, pour vérifier la réalité des apparitions, on enfonça une aiguille profondément dans le muscle du bras. Elle ne ressent rien pendant l’apparition, mais elle le ressent ensuite ! Ces tests cesseront. 

Paroles et messages de la Vierge

La Vierge se présente en disant «Ndi Nyina wa Jambo» (Je suis la Mère du Verbe) : ce qui est synonyme de «Umubyeyl w’Imana» c’est à dire «Mère de Dieu». Les paroles et messages de la Vierge, à Kibeho, peuvent être condensés ainsi :

1° Un urgent appel au repentir et à la conversion des cœurs « Repentez-vous, repentez-vous, repentez-vous ! » «Convertissez-vous quand il en est encore temps ! » « Si vous ne vous repentez pas et ne convertissez pas vos cœurs, vous allez tous tomber dans un gouffre ».

 2° Un diagnostic de l’état moral du monde «Le monde se porte très mal » (« Ngo isi imeze nabi cyane »). « Le monde court à sa perte, il risque de tomber dans un gouffre («Ngo isi igiye kugwa mu rwobo »), c’est-à-dire « être plongé dans des malheurs innombrables et incessants ». Le monde est en rébellion contre Dieu, (ubu isi yarigometse), trop de péchés s’y commettent. Il n’y a pas d’amour ni de paix ». 

3° Appel à la vigilance : « La foi et l’incroyance viendront sans qu’on s’en aperçoive. » (Ngo ukwemera n’ubuhakanyi bizaza mu mayeri). C’est une des paroles mystérieuses dites plus d’une fois par la Vierge à Alphonsine dans les débuts des apparitions, avec demande de la répéter aux hommes.

4° La souffrance salvifique . Ce thème est un des plus importants dans l’histoire des apparitions de Kibeho. Surtout chez Nathalie Mukamazimpaka. Pour un chrétien, la souffrance, par ailleurs inévitable dans la vie d’ici-bas, est un chemin obligé pour parvenir à la gloire céleste. Non pas parce que Dieu l’exigerait ! Mais parce qu’elle est un moyen de se sentir en union avec celles du Christ. La Vierge a dit à ses voyantes, notamment à Nathalie le 15 mai 1982 : « Personne n’arrive au ciel sans souffrir ». Ou encore : « L’enfant de Marie ne se sépare pas de la souffrance ».

Mais la souffrance est aussi un moyen, s’il se présente, d’expier pour le péché du monde, de participer aux souffrances de Jésus et de Marie pour le salut du monde.

Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie (ou sa souffrance) pour les autres !

Les voyants ont été invités à vivre ce message d’une façon concrète, à accepter la souffrance dans la foi et dans la joie, à se mortifier (« kwibabaza ») et à renoncer aux plaisirs (kwigomwa) pour la conversion du monde. Kibeho est ainsi un rappel de la place de la croix dans la vie du chrétien et de l’Eglise.

5° Priez sans cesse et sans hypocrisie : Les hommes ne prient pas ; et même parmi ceux qui prient, beaucoup ne prient pas comme il faut. La Vierge demande aux voyantes de prier beaucoup pour le monde, d’apprendre aux autres à prier, et prier à la place de ceux qui ne prient pas. La Vierge nous demande de mettre plus de zèle à prier, et de prier sans hypocrisie.« Priez sans relâche pour l’Eglise, car de grandes tribulations l’attendent dans les temps qui viennent. » Ainsi parlait la Vierge à Alphonsine, le 15 août 1983, puis le 28 novembre 1983.

 6° Il faut faire acte de dévotion envers Marie, …concrétisée notamment par une récitation régulière et sincère du chapelet et en particulier le chapelet des sept douleurs*. La voyante Marie Claire Mukangango dit avoir reçu des révélations au sujet de ce chapelet. La Vierge aime ce chapelet. Connu autrefois, celui-ci était tombé dans l’oubli. Notre-Dame de Kibeho désire qu’il soit remis en honneur et répandu dans l’Eglise. (Mais le Chapelet des Douleurs ne supplante pas le Rosaire).  Marie associe une fois de plus la prière et le sacrifice à la capacité des hommes à recevoir la grâce de l’Esprit qui leur permettra de surmonter les tribulations du monde. 

Le titre de chapelet des sept douleurs souligne l’association de la Vierge à la souffrance de son fils et vient conforter sa demande à Ida Peerdeman, à Amsterdam, à être reconnue comme co-rédemptrice.

 7° La Vierge désire qu’on lui construise une chapelle …en souvenir de son apparition à Kibeho. Ce thème remonte à l’apparition du 16 janvier 1982 à Alphonsine et revient à plusieurs reprises au cours de cette année-là, surtout chez Nathalie avec de nouveaux développements.

8° Marie lance également des appels à la conversion, à la prière, à l’humilité et à l’amour du prochain.

Notre Dame des sept douleurs

Notre-Dame des Douleurs (ou plus souvent : Notre-Dame des sept Douleurs), et invoquée en latin comme Beata Maria Virgo Perdolens, ou Mater Dolorosa, est l’un des nombreux titres par lesquels l’Église catholique vénère la Vierge Marie, mère de Jésus. Le titre souligne l’association de la mère à la souffrance de son fils. Les « sept douleurs » font référence aux événements, relatés dans les évangiles, qui firent souffrir la mère de Jésus dans la mesure où elle accompagnait son fils dans sa mission de Rédempteur.

Le mois de septembre est dédié à Notre-Dame des Douleurs qui est liturgiquement commémorée le 15 septembre. Le culte de la Mater Dolorosa apparaît officiellement en 1221, au Monastère de Schönau, en Allemagne. En 1239, dans le diocèse de Florence en Italie, l’Ordre des Servites de Marie (Ordo Servita), dont la spiritualité est très attachée à la Sainte Vierge, fixe la fête de Notre-Dame des douleurs au 15 septembre. Ce titre doit son nom aux sept Douleurs dites éprouvées par la Vierge Marie :La prophétie de Syméon sur l’Enfant Jésus. (Lc, 2, 34-35)

Les sept douleurs de la Vierge

La fuite de la Sainte Famille en Égypte. (Mat, 2, 13-21) La disparition de Jésus pendant trois jours au temple. (Lc, 2, 41-51) La rencontre de Marie et Jésus sur la via crucis. (Lc, 23, 27-31) Marie contemplant la souffrance et le décès de Jésus sur la Croix. (Jn, 19, 25-27) Marie accueille son fils mort dans ses bras lors de la Descente de croix. (Mat, 27, 57-59)Marie abandonne le corps de son fils lors de la mise au tombeau. (Jn, 19, 40-42)

Le chapelet des sept douleurs de la Vierge Marie

Ce chapelet, qui ne remplace pas le Rosaire, est connu depuis le XIV° et le XV° siècle. Il a été diffusé par les mystiques rhénans, les dominicains, les servites de Marie. Ce chapelet possède 59 grains, ou 52 grains et 7 médailles représentants les 7 douleurs de Marie à méditer. Voici comment réciter le chapelet des sept douleurs :
– Sur la médaille, on énonce le mystère, la douleur infligée à Marie.
– On récite ensuite un Notre-Père.
– Sur les sept grains qui suivent, on récite sept « Je vous salue Marie. »
– Après chaque « Je vous salue Marie », on récite l’invocation suivante : « Priez pour nous Vierge de douleurs, que nous soyons dignes des promesses de Jésus-Christ. »
– On termine le chapelet sur les trois grains isolés avec trois « Je vous Salue Marie « et un « Notre Père » sur la médaille principale.

Procession à Brooklyn à l’occasion de la fête de Notre-Dame des Douleurs.Par Rhododendrites — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=44300967

Autres Visions et/ou éléments supra-naturels

Les témoins de l’épisode entendent la voyante parler français, anglais, kinyarwanda et d’autres langues inconnues.

Le 16 janvier 1982, Alphonsine aurait eu une vision d’un champ de fleurs très variées, plantées par la Vierge qui l’aurait invité à aller se promener ensemble à travers ce champ. A propos des fleurs rabougries ou fanées, la Vierge aurait déclaré : « Il y en a qui deviendraient luxuriantes si on leur donnait de l’eau. » Et la voyante de répondre sur le ton d’engagement personnel : O Mère, bien que chez nous il faille faire un bon bout de chemin pour aller puiser de l’eau, je ferai mon possible pour puiser de quoi les arroser ! Par la suite, s’instaura un rite de bénédiction avec l’eau bénite. L’eau bénite chasse le Démon, et surtout favorise la croissance des «fleurs», c’est-à-dire la croissance spirituelle des personnes. 

Le 20 mars 1982,Alphonsine fait un « voyage mystique ». Elle était comme plongée dans un sommeil très profond. Les autres avaient de sérieuses difficultés à la bouger, encore plus à la soulever ou à desserrer ses mains jointes. Cette lourdeur a beaucoup étonné. Alphonsine raconte : « J’ai entendu la sainte Vierge m’appeler, et j’ai répondu à son appel. […] Nous sommes parties et nous avons abouti à un endroit vraiment horrible : il y avait des gens d’un air lugubre, en train de se disputer et de se battre sans cesse.

Et puis nous avons continué à monter et nous sommes arrivés dans un autre endroit. Là, il faisait moins obscur mais horrible tout de même, jusqu’à un certain degré. Les gens n’avaient pas l’air aussi lugubres que les premiers, néanmoins, ils souffraient beaucoup tout en se tenant pieusement, avec les yeux tournés vers en-haut et pleins de tristesse. Enfin, continuant toujours à monter, nous sommes arrivés à un endroit magnifique, où il y avait une lumière excellente, mais comme celle que projette notre soleil habituel.

Alors je lui ai demandé comment s’appelait ce lieu-là, et Elle me répondit : « C’est la demeure de ceux qui ont un cœur de lumière. Là où les hommes souffrent mais se tiennent pieusement, avec les yeux tournés vers le haut, c’est chez ceux qui seront comptés parmi les Elus. Par contre, là où tu as vu des gens qui ne faisaient que se battre, il s’agit de ceux qui connaîtront éternellement des tourments, sans espérer obtenir le pardon.»

Entre temps, j’entendais continuellement de très belles voix lointaines qui chantaient, mais sans que je puisse voir de qui elles provenaient. […] Lui ayant demandé pourquoi elle m’avait emmené là, Elle me répondit : « Puisque tu as vu ces trois catégories, je peux espérer que tu feras ton possible pour attirer les hommes dans le bon chemin. De plus, je te les ai montrées afin que tu apprennes que la meilleure vie est celle qui viendra, après que l’homme aura quitté la terre.» D’autres apparitions ont suivi, notamment le 15.08.82, avec les autres voyantes.

Mgr Augustin MISAGO,Les apparitions de Kibeho au Rwanda,Facultés catholiques de Kinshasa, 1991, p. 21-38. 88-91 et 94-104. Extraits par F. Breynaert.

Au cours des visions, les trois jeunes filles ont reçu différents messages. Le 15 août 1982 les voyantes assistent à ce qui a été interprété comme la préfiguration de la tragédie de 1994 : la Vierge apparaît en larmes et les jeunes filles voient «un fleuve de sang, des personnes qui s’entretuent, des cadavres abandonnés sans sépulture, un arbre entièrement en feu, un gouffre béant, un monstre, des têtes décapitées.»

Alphonsine témoigne : « Alors que la Dame était en pleur, on vit alors un fleuve de sang, des personnes qui s’entretuent, des cadavres abandonnés sans sépulture, un arbre entièrement en feu, un gouffre béant, un monstre, des têtes décapitées ». Ces visions reviendront dans différentes apparitions, notamment à Nathalie. Pour l’Eglise catholique, se visions se sont avérées prophétiques au vu du génocide vécu au Rwanda en 1994. A Kibeho même, 11 000 personnes vont être massacrées, et pour la plupart dans l’église paroissiale. Marie Claire, la troisième présumée voyante, trouvera aussi la mort dans le génocide.

Autre fait extraordinaire : il est arrivé qu’il pleuve pendant les apparitions : la foule était mouillée mais pas le ou les voyantes ! 

Il y eut également des visions d’une grande hostie, et des visions du soleil dansant comme un disque. Cela s’est renouvelé au moins par 5 fois.

Au titre des faits supra-naturels, il faut noter les jeûnes, lorsque la Dame le leur demande pendant plusieurs semaines. Les jeunes filles ne vont recevoir que la communion pendant la messe et quelques fois un peu d’eau bénite. A ce sujet, il faut noter le jeûne extraordinaire de Nathalie pendant le Carême de 1983, suivi de très près par une équipe de médecins de l’Université Nationale du Rwanda.

Les apparitions aux trois voyantes s’accompagnent de phénomènes auxquels la science ne peut pas apporter d’explications. Notamment lorsque les jeunes filles sont en extase devant le soleil pendant plus d’une heure, sans que leur rétine ne soit brûlée. Or, ne pas manger ni boire sous le soleil provoque la mort au bout de six jours. Un autre phénomène qui reste mystérieux : au moment des extases, les jeunes voyantes prennent du poids et sont impossibles à soulever. Deux médecins de la commission médicale tenteront de soulever Alphonsine pendant une apparition, sans succès.

Eléments conformes aux autres apparitions 

La fin de l’extase se marquait généralement par une lourde chute.

Au moment des extases, élèves comme professeurs ont le droit de procéder à tout type de tests sur Alphonsine pour la mettre à l’épreuve et ainsi vérifier si elle est vraiment dans un état extatique. 

Un autre phénomène qui reste mystérieux : au moment des extases, les jeunes voyantes prennent du poids et sont impossibles à soulever.

La demande de construction d’une chapelle.

La pluie qui ne mouille pas

Le soleil tournoyant (comme à Fatima) 

L’appel à la prière et à la pénitence

Les visions ciel, de l’enfer et du purgatoire

L’incrédulité au récit des voyantes, au début.

Les Tests de vérification : piqures…

Les Appels à la conversion, à la prière, à l’humilité et à l’amour du prochain.

La Vierge parle dans la langue des voyants (es)

Eléments spécifiques

Les jours d’apparitions publiques, il n’y avait pratiquement pas d’extases en groupe et les trois voyantes ne les vivaient pas en même temps ; au contraire, elles avaient chacune des apparitions individuelles, pendant que les deux autres chantent des cantiques à la Vierge. 

Les voyantes pratiquaient le jeûne de 8, 14 ou 15 jours sans manger et sans boire, surveillées attentivement par les médecins. Malgré cela, certaines fonctions de l’organisme continuaient normalement. Elles récupéraient leurs poids normal dans un temps de 2 jours. 

Parmi les aspects qui marquent la spécificité des apparitions de Kibeho : « le chapelet des Sept Douleurs de la Vierge Marie ». Le 15 août et le 28 novembre 1983, l’apparition demande à Alphonsine que la chapelle à construire porte le nom de « Sanctuaire de Notre-Dame des Douleurs ».

Le 2 décembre, la Vierge aurait enseigné à Alphonsine un beau chant jamais entendu, et puis un chant de danse. Le chant et la danse deviendront peu à peu une des caractéristiques de phénomènes de Kibeho.

V- Reconnaissance et sanctuaires 

Reconnaissance

Le 1er janvier 1988, l’archevêque de Kigali consacre le Rwanda à la Vierge et confie une commission d’enquête au père Augustin Misago, supérieur du séminaire de Butaré, entouré des théologiens de cette institution. Ses conclusions sont positives. Après une enquête confiée au père Augustin Misago par l’archevêque de Kigali, Mgr Vincent Nsengiyumva, le culte public est autorisé le 15 août 1988 par l’évêque de Butaré, Mgr Jean-Baptiste Gahamanyi. Les apparitions ont été reconnues officiellement le 29 juin 2001. 

Les travaux des deux commissions ont été clôturés vingt ans après leur création. Les conclusions des commissions ont montré que des huit présumés voyants ayant fait l’objet de l’enquête approfondie, trois seulement présentaient les critères de crédibilité et confiance en ce qui concerne les apparitions de Kibeho. C’est dans ce sens que, le 29 juin 2001, Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, en accord avec les membres des deux commissions et avec le Magistère de l’Eglise universelle à Rome et en accord avec la Conférence Episcopale du Rwanda, a prononcé sa déclaration portant jugement définitif sur les faits dits apparitions de Kibeho.

Dans cette déclaration, l’Evêque de Gikongoro spécifie sans détour : «Oui, la Vierge Marie est apparue à Kibeho dans la journée du 28 novembre 1981 et au cours des mois qui ont suivi. Il y a plus de bonnes raisons d’y croire que de le nier. A cet égard, seules les trois voyantes du début méritent d’être retenues comme authentiques : il s’agit d’Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka et Marie Claire Mukangango. La Vierge s’est manifestée à elles sous le vocable de « Nyina wa Jambo », c’est-à-dire « Mère du Verbe » : ce qui est synonyme de « Umubyeyi w’Imana », c’est-à-dire « Mère de Dieu », comme Elle l’a expliqué.

Ces voyantes de Marie disent la voir tantôt les mains jointes, tantôt les bras étendus. « Plusieurs motifs justifient le choix des trois voyantes maintenant reconnues. Ces voyantes, dont le lien historique qui les unit entre elles est bien établi, ont occupé seules la scène durant plusieurs mois, au moins jusqu’en juin 1982. Mais, par-dessus tout, c’est Alphonsine, Nathalie et Marie Claire qui répondent avec satisfaction aux critères établis par l’Eglise en matière d’apparition et de révélations privées.

Par contre, l’évolution des présumés voyants postérieurs dissuade l’autorité de l’Eglise de les proposer aux fidèles comme une référence. Une autre raison sur laquelle s’est appuyée l’Eglise pour reconnaître les trois voyantes comme authentiques, c’est que leur message rejoint avec satisfaction les Saintes Ecritures et la Tradition vivante de l’Eglise.

L’Evêque de Gikongoro poursuit son argumentation en ces termes : « Dans l’appréciation des faits et des messages, seules les apparitions publiques sont à prendre en considération. Sont publiques les apparitions qui ont eu lieu en présence de plusieurs témoins, ce qui ne veut pas dire nécessairement une foule. Le temps fort de ces apparitions s’est terminé avec l’année 1983.

Tout le reste qui s’est dit ou fait après cette date à Kibeho n’a en vérité apporté rien de nouveau par rapport à ce qui était déjà connu auparavant, que ce soit au point de vue des messages ou des signes de crédibilité. Même dans le cas d’Alphonsine qui a pourtant continué d’attirer du monde jusqu’à la fin de ses apparitions».

En dehors des raisons ci-dessus reprises, il existe aussi des signes de crédibilité qui ont fait retenir les trois voyantes. Parmi ces signes, on peut retenir les suivants :

1) la bonne santé mentale, l’équilibre humain, la lucidité et la sincérité des voyantes attestés par les conclusions de la commission des médecins, comprenant un psychiatre ;

 2) le climat vraiment pieux et sincère dans lequel se sont déroulés ces événements ;

 3) une absence de recherche du sensationnel chez les voyantes : ce qui peut signifier que les apparitions ne se produisaient pas de façon automatique ou bien téléguidée ;

 4) la non-contradiction des voyantes quant aux messages et aux comportements ;

 5) la réalité des extases qui n’ont rien de maladif ou d’hystérique, après les différents tests et examens effectués par les commissions ;

 6) le naturel, la cohérence et la simplicité des «dialogues » avec l’apparition ;

 7) le fait que certaines paroles qui ont été dites manifestaient un niveau supérieur à la culture et à la formation religieuse des personnes qui les ont dites ;

 8) le phénomène de « voyages mystiques » pour Alphonsine d’abord (le 26 mars 1982) et pour Nathalie ensuite (le 30 octobre 1982) ;

 9) la journée du 15 août 1982 qui fut marquée, notamment, contre toute attente, par des visions effroyables qui, dans la suite, se sont avérées prophétiques au vu des drames humains vécus au Rwanda et dans l’ensemble des pays de notre région des Grands Lacs ces dernières années;

10) Le jeûne extraordinaire de Nathalie pendant le Carême de 1983, rigoureusement surveillé par la commission médicale dont les membres n’étaient pas tous des catholiques ni des catholiques pratiquants ;

 11) mais surtout le message de Kibeho dont le contenu reste cohérent, pertinent et orthodoxe ;

 12) les fruits spirituels déjà suscités par ces événements à travers le pays et même à l’étranger.

Sanctuaire (s)

A Kibeho il y a une chapelle dite des apparitions. En effet, le 20/11/1993, soit un an après la pose de la première pierre pour le sanctuaire de Kibeho, l’évêque a béni et inauguré une chapelle provisoire, aménagée par le diocèse dans un des dortoirs des élèves de l’école, surnommée le « dortoir des apparitions ». Depuis 2007 ce lieu a été transformé et désormais érigée en lieu de pèlerinage.