L’apparition de la Vierge Marie à Walsingham en 1061.
Walsingham est un joli petit village de moins de 1 000 habitants situé dans le comté de Norfolk, dans l’Est-Anglia, à environ 200 km au nord de Londres et à moins de 10 km de la mer du Nord. Un sanctuaire à Notre Dame a été établi ici au milieu du XIe siècle, juste avant la conquête normande (Guillaume le Conquérant en 1066), bien que la date précise soit obscure (peut-être en 1061).
À l’origine de ce sanctuaire se trouve une apparition de la Bienheureuse Vierge Marie à une femme noble saxonne nommée Richeldis de Faverches qui reçut la demande de construire une réplique de la Sainte Maison à Nazareth en l’honneur de l’Annonciation de Notre Dame. Des recherches récentes ont suggéré que la fondatrice du sanctuaire était peut-être Edith the Fair, épouse du roi Harold.
Au fil du temps, le sanctuaire a grandi et prospéré ; au siècle suivant, en 1153, un prieuré de chanoines augustins fut établi pour administrer le sanctuaire. Le sceau du prieuré présentait l’image d’une Vierge assise avec le Saint Enfant et le texte « Ave Maria Gratia Plena Dominus Tecum » (« Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous »).
Des visiteurs modestes et royaux.
Les pèlerins venaient de toute la Grande-Bretagne au sanctuaire de Notre-Dame de Walsingham. Il y avait une route très fréquentée provenant de Londres et du Sud. Walsingham en vint à se classer aux côtés de Canterbury et de Glastonbury comme l’un des plus grands sanctuaires du pays (et l’un des plus grands sanctuaires mariaux d’Europe).
Le pèlerinage à Walsingham était certainement plus facile que le long voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle ou à Rome, sans parler de Jérusalem. À partir du règne d’Henri III (1216-1272), plusieurs rois d’Angleterre firent le pèlerinage à Walsingham, dont Edward Ier (une douzaine de fois !), Henry VI (largement vénéré en East Anglia après sa mort ; il fut proche de la canonisation) et enfin le célèbre Henri VIII avec sa première épouse Catherine d’Aragon.
Pieux catholique au début de sa vie, Henri VIII avait une dévotion particulière à Notre Dame de Walsingham, on dit qu’il s’arrangeait pour qu’il y ait de sa part un cierge allumé en permanence devant l’image de Notre Dame à Walsingham et qu’il payait un prêtre au sanctuaire pour qu’une messe à son attention soit dite régulièrement. Il aurait même invoqué Notre Dame de Walsingham sur son lit de mort. Mais les événements politiques devaient se mêler à la religion. Le désir ardent d’Henri VIII d’avoir un héritier masculin en se remariant avec Anne Boleyn (et le besoin continu d’argent des Tudor) a conduit à la dissolution des monastères ainsi qu’à la Réforme anglicane en Angleterre autour de 1533.
La fin d’une ère.
Le prieuré de Walsingham est supprimé en 1538, son sous-prieur Nicholas Mileham est reconnu coupable de trahison pour avoir conspiré pour se rebeller contre la suppression des monastères et pendu hors des murs du prieuré. L’or et l’argent du sanctuaire sont confisqués, tandis que l’image de Notre-Dame de Walsingham (les iconoclastes parlent de « la sorcière de Walsingham ») est apportée à Londres en juillet 1538 et ensuite brûlée. Le sanctuaire cesse d’exister, le prieuré devient une ruine. Les pèlerinages organisés ont cessé, bien que des individus dévots aient sans doute continué à visiter le village. Une ballade de la fin du XVIe siècle, la Walsingham Lament(« la lamentation de Walsingham »), résume les sentiments de beaucoup :
Weep, weep, O Walsingham,(Pleure, pleure, ô Walsingham,) Whose days are turned to nights,(Toi dont les jours sont maintenant des nuits,) Blessings turned to blasphemies,(Les bénédictions changées en blasphèmes,) Holy deeds to despites.(Les saintes actions en méfaits.) Sin is where Our Lady sat,(Le péché s’est installé où se trouvait Notre Dame,) Heaven is turned to hell ;(Le ciel est devenu l’enfer 😉 Satan sits where Our Lord did sway,(Satan s’est assis à la place de Notre Seigneur,) Walsingham, O farewell!(Adieu, Ô Walsingham !)
Retour à la normale ?
Walsingham redevient un village typique et tranquille de campagne (« l’Angleterre profonde ») pendant trois siècles, jusqu’à ce que les événements conspirent de nouveau pour changer les choses. En 1893, le pape Léon XIII promet : « Lorsque l’Angleterre reviendra à Walsingham, la Madone retournera en Angleterre. »
Dans les années 1890, Charlotte Boyd, une laïque anglicane dévouée, découvre une petite chapelle médiévale à la périphérie de Walsingham (dans le village voisin de Houghton Saint Giles) et comprend qu’il s’agit de la dernière des chapelles de la route des pèlerins, dans laquelle ils enlevaient leurs chaussures avant d’entrer dans Walsingham (pour cela, elle était connue comme « the Slipper Chapel », « la chapelle des sandales »). Charlotte Boyd achète cette chapelle sécularisée, la restaure puis en fait don à l’abbaye catholique de Downside (dans le comté de Somerset).
Le 6 février 1897, le pape Léon XIII rétablit cette chapelle désaffectée comme un sanctuaire catholique en autorisant la vénération d’une image de Notre Dame.
Un haut lieu, deux sanctuaires.
En 1921, Walsingham reçoit un nouveau curé anglican, le père Alfred Hope Patten, un pasteur très « High Church », partie de l’Église anglicane la plus proche du catholicisme, plus encline à la dévotion mariale que la « Low Church ». L’un de ses premiers actes est de restaurer la dévotion à Notre Dame de Walsingham en installant une nouvelle statue de la Vierge et l’enfant, copie de l’originale, basée sur le sceau du prieuré. Autant dire que cela ne plut pas à l’évêque anglican de Norwich.
En 1931, Hope Patten construit une petite chapelle à plusieurs centaines de mètres de là pour recevoir la statue. L’édifice est étendu en 1938 et forme le sanctuaire anglican de Notre-Dame de Walsingham. Il compte quinze chapelles, dédiées aux Mystères du Rosaire. Le style de l’ameublement est la Contre-Réforme, et c’est plutôt merveilleux.
Quant à lui, le sanctuaire national catholique de Notre-Dame de Walsingham, à côté de la chapelle Slipper, se trouve en fait dans la paroisse voisine de Houghton Saint Giles. Depuis le 19 août 1934, date à laquelle le cardinal Francis Bourne de Westminster a dirigé un pèlerinage de 10 000 personnes pour transformer la chapelle Slipper en un sanctuaire national de Notre-Dame, un grand nombre de nouveaux bâtiments ont été construits sur le site, centrés sur l’église de la Réconciliation de 1982. Ce fut l’année de la visite du pape Jean-Paul II en Angleterre.
La statue de Notre-Dame de Walsingham fut apportée à Londres pour se tenir près de l’autel du stade de Wembley, où le Saint-Père célébra la messe et vénéra la statue.
Depuis 1954, celle-ci est couronnée par autorisation du pape Pie XII. À cet égard, elle ressemble donc à de nombreuses statues mariales continentales. À la suite d’un décret apostolique de 2015, le sanctuaire catholique obtint le titre de basilique mineure.
Les deux sanctuaires attirent les visiteurs tout au long de l’année et les relations entre eux sont très cordiales. L’ironie de l’histoire est que le village de Walsingham est lui-même issu de deux bourgs voisins (Great Walsingham et Little Walsingham) : beaucoup de choses sont en double à Walsingham…
Le plus grand pèlerinage anglican – connu sous le nom de « pèlerinage national » – a lieu le lundi après la Pentecôte (qui est un jour férié en Angleterre). Le pèlerinage des étudiants de Londres, un pèlerinage œcuménique au cours duquel les étudiants marchent depuis Londres avec des croix, se termine à Walsingham le Vendredi Saint, regroupant des pèlerins convergeant de toutes directions. Les deux sanctuaires abritent également de grandes célébrations lors de la fête de l’Assomption.
Un rayonnement œcuménique et mondial.
Il y a aussi une présence orthodoxe à Walsingham, notamment dans l’ancienne gare de chemin de fer, devenue l’église orthodoxe russe Saint-Séraphim ; tandis qu’il existe des sanctuaires nationaux de Notre-Dame de Walsingham aux États-Unis, ainsi que de petits sanctuaires dans le monde entier.
En l’an 2000, le Vatican a approuvé la création d’une fête de Notre-Dame de Walsingham, patronne de l’Angleterre, célébrée en Angleterre et au Pays-de-Galles le 24 septembre.
D’autre part, depuis que l’Église anglicane a autorisé l’ordination de femmes-prêtres en 1992, des groupes d’anglicans ont cherché à se réunir en masse avec l’Église catholique. Ainsi, le pape Benoît XVI a promulgué la Constitution apostolique Anglicanorum coetibusle 4 novembre 2009 et l’ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham a été créé le 15 janvier 2011 pour permettre aux anglicans ralliés d’entrer pleinement en communion avec l’Église catholique tout en conservant une grande partie de leur patrimoine et de leurs traditions. L’Ordinariat est placé sous le haut patronage du bienheureux John Henry Newman (1801-1890), ancien cardinal anglican issu de l’anglicanisme.
L’Ordinariat compte quelque quatre-vingt anciens membres du clergé anglican, réordonnés en tant que prêtres catholiques. C’est l’équivalent d’un diocèse, même si l’Ordinaire (le responsable du clergé) Mgr Keith Newton n’a pas le rang d’évêque catholique car il est marié (il a été ordonné diacre et prêtre dans l’Église catholique en 2011 et porte le titre de protonotaire apostolique). Il existe des ordinariats similaires aux États-Unis et en Australie.